Retour sur l'atelier : Bien identifier la compétence à acquérir

2 mars 2022

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Comment identifier précisément les "besoins en compétences" des travailleur·euse·s et à y apporter une réponse réellement adaptée ? Telle était la question à laquelle Competentia souhaitait répondre. Nous avons sollicité pour cela l’expertise de Michel Bizac, administrateur d'Aegist Conseil1 et fort de vingt ans d'expérience.

Voici quelques pistes partagées avec la trentaine de personnes ayant participé aux 3 ateliers organisés en novembre 2021. 

Partir des réalités de terrain

Il existe de nombreuses définitions de la notion2 « être compétent ». Michel Bizac propose celle-ci: « pouvoir se mettre en action sur le terrain, au service du bénéficiaire, en mobilisant un ensemble de ressources pertinentes (connaissances, savoir-faire et être, qualités, réseau de ressources) ». 

Une compétence se définit donc par le contexte dans lequel elle s’exerce, en fonction3 de l’approche du métier de la structure et de l’interprétation qu’en fait le·la travailleur·euse dans son cadre de travail.

Notre expert met la situation de travail au centre de sa conception de la gestion des compétences. 

Il exprime aussi le besoin de créer un référentiel commun, une représentation partagée et ancrée dans des expériences professionnelles réelles et vécues.

Ce référentiel, constitué en lien avec ce qui se vit sur le terrain, est le point de départ pour identifier les « besoins en compétence » d’une équipe : ce qui limite l’action, ce qui empêche le travail d’être réalisé de manière optimale. 

Pour identifier ces besoins, il est nécessaire de créer des espaces d’observation et d’échange à propos du travail réalisé (feed back, entretien de compétences, évaluation de projet…). Ces espaces génèrent des interactions entre le·la travailleur·euse et son cadre de travail (collègue, hiérarchie, équipe) et facilitent l’expression de leurs besoins.

Identifier la compétence à acquérir : avec qui? Pour quoi?

Lorsqu'un besoin est identifié, il est important dy apporter une réponse. Cette réponse doit permettre au·à la travailleur·euse d’exercer sa fonction sur le terrain, conformément aux attentes de l’institution.

L’étape suivante est de « traduire » le besoin identifié en une compétence à acquérir ou à perfectionner. Cette mission de « traduction » est en général confiée au·à la référent·e (ou au groupe de travail) "Plan de formation"

Il est important de réaliser cette traduction en dialogue avec le·la travailleur·euse ayant exprimé un besoin, afin de favoriser son implication da sus de formation.

Ce processus de traduction a pour objectif d’identifier quelle(s) ressource(s) manque(nt) pour réaliser au mieux l’action sur le terrain2. Certaines ressources relèvent de réalités organisationnelles (manque d’autonomie responsable, manque de moyens matériels ou de temps, relations interpersonnelles…). D’autres relèvent d’un besoin en compétences individuelles et/ou collectives et qui peuvent être acquises par un parcours d’apprentissage en situation de travail ou en formation classique.

Il est aussi important de définir des indicateurs de compétences : ce sont les éléments concrets et observables qui permettent d’apprécier quantitativement ou qualitativement, au travers de la réalisation d’un acte, dans quelle mesure la compétence est acquise.

Par exemple : pour la compétence « Rédiger des contenus rédactionnels », deux indicateurs peuvent être définis.

  1. produire différents types de notes ;
  2. rédiger sans faute de grammaire ni d’orthographe.

Ces indicateurs reflètent une réalité de terrain. Plus ils sont spécifiques, plus ils permettent de constater précisément l’acquisition de la compétence pour le réaliser. C’est l’observation de la mise en action sur le terrain qui permettra de dire si la personne est devenue « plus compétente » et donc si le parcours de formation a porté ses fruits.

Pour chaque métier, Michel Bizac conseille de réaliser une carte des compétences clés, exprimées en fonction d'actions et de résultats concrets attendus.

 
 Les compétences clés exprimées en actions et résultats attendus
Compétence recherchées  Actions à réaliser Résultats attendus
1.Communiquer

En écrivant des rapports de suivi accessibles aux parents

Une interaction et une implication des parents dans 
2. Gérer, organiser...

En planifiant les ateliers en fonction des soins

Participation d'un maximum de résidents aux activités
3. Réaliser    
4. Contrôler    
5. Maintenir    
6. Améliorer    
7. Former, se former    

Ressources à mobiliser:

  • Connaissances
  • Savoir-faire  relationnels 
  • Savoir-faire technique 
  • connaissances des soins apportés aux bénéficiaires et des horaires
  • utilisation d'un vocabulaire adapté aux non-professionnels
  • mobilisation d'activités correspondant aux capacités des bénéficiaires

Quelques constats partagés durant l’atelier

Voici quelques retours apportés par les participant·e·s lors des échanges.

  • Investir du temps pour en gagner par la suite. Etablir des référentiels communs propres à l’institution demande du temps. Mais ces référentiels permettent de clarifier des missions liées à la fonction, d’objectiver les attentes et l’évaluation des résultats. Et donc, sur le long terme, de gagner du temps.
  • Réaliser une observation en situation de travail est complexe. Cela demande l’implication des personnes réalisant le travail, une capacité à observer de manière critique et à exprimer un feedback qui met en avant les compétences à utiliser pour réaliser le travail. Cela implique aussi d’identifier et de partager les attentes liées à la réalisation du métier.
  • Il faut choisir des priorités. Les besoins sont multiples, car les métiers évoluent rapidement.  Il y a des arbitrages à réaliser pour prioriser les compétences à acquérir. Ces arbitrages doivent tenir compte de contraintes (coût, continuité du travail, obligation réglementaire…),  et sont souvent mal vécues par le travailleur qui a à cœur de réaliser du « travail bien fait ».
  • Impliquer et motiver. C’est une évidence : un·e travailleur·euse impliqué·e acquière beaucoup plus efficacement de nouvelles compétences. A contrario, la peur d’être jugé·e « incompétent·e » peut dissuader un·e travailleur·euse d’exprimer ses besoins en compétences. Il est donc important de se montrer très bienveillant·e et de fixer clairement le cadre : acquérir des compétences pour progresser dans la réalisation de la mission confiée à chaque travailleur·euse.
  • Mobiliser autour des formations. Certain·e·s travailleur·euse·s ne veulent plus participer à des formations car ils les jugent inadaptées à leurs besoins, « à côté de la plaque » ou trop longues. Cibler mieux la compétence visée permet aussi de mieux choisir les formations.

Pour aller plus loin

Après avoir bien identifié les "besoins en compétences" des travailleur·euse·s, reste à y apporter une réponse réellement adaptée !

Cela implique d’avoir des ressources à sa disposition :

  • des espace d’interaction avec les travailleur·euse·s ;
  • des moments et capacités d’observation du terrain professionnel ;
  • un certain savoir-faire, résultat d’une connaissance de terrain
  • des outils (référentiel …);

Développer et conserver ce savoir-faire est un des enjeux lié à la concertation sociale, ainsi qu’au travail collectif mené autour des plans et politiques de formation.

Vous pouvez aussi vous appuyer sur les outils et ressources développées et répertoriées sur ce site, ou faire appel à notre service conseil!

 


 

 

Notes & références

  1. [1] Michel Bizac a eu la charge du développement social et des organisations dans une industrie de fabrication (Fabrique Nationale de Herstal).  Il accompagne depuis plus de trente ans le développement des personnes et des organisations dans une perspective de performance durable. 

    [2] Ce sentiment « d’être compétent·e » est un facteur de prévention primaire du burnout.  Voir www.abbet.be

    [3] Ce que Yves Clot nomme un « travail empêché » : par l’absence d’une ressources, le travail ne peut être réalisé d’une manière optimale. CLOT, Y., Le prix du travail bien fait, Paris, 2021