Vivre et apprendre en temps de covid-19 : acte 2

9 avril 2020

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Voici l’acte II de notre mini-série ayant pour objectif d’identifier comment le confinement influence votre travail. Fidèles à l’ADN de Competentia, nous le centrons comme le précédent sur les apprentissages dans les institutions. 

Vous avez pu découvrir, à travers l’acte I le témoignage de 4 personnes en charge de la gestion des compétences dans des structures du non-marchand, la manière dont elles font face à la crise, comment elles adaptent leurs comportements professionnels, comment elles ont acquis de nouvelles compétences très rapidement.  

Dans cet article, nous interrogeons Axel Roucloux1 pour prendre un peu de recul et bénéficier de sa réflexion et son expérience d’accompagnateur d’organisations  souhaitant devenir « apprenantes ». 

Nous lui avons posé la question de savoir en quoi la crise pourrait changer les modes d’apprentissage dans les organisations et de comment capitaliser les compétences développées récemment.  Nous souhaitions aussi discuter avec lui des impacts à long terme, quelle que soit l’expérience faite de la crise dans l’organisation.

Voici quelques éléments de réponses donnés par le directeur de PSDD.

Pour rappel, nous clôturerons la série par un partage d’expériences auquel vous êtes invité·e·s à prendre part via ce lien.

Alors, c’est parti ! Vous connaissez maintenant la destination :  "En voiture Simone, c'est moi qui conduis, c'est toi qui klaxonnes !" 

Chaos créatif

Lors de la journée « Educateur : se mouiller, ne pas se dessécher »2, Monsieur Longniaux3  expliquait (faisant référence à Frédéric Legros) que le changement se réalisait lorsqu’il y avait une combinaison de trois éléments :  un impératif pour la personne ou la structure concernée, se sentir personnellement impliqué·e et vouloir échapper à un sentiment de culpabilité si ce changement n'a pas lieu. 

Pour Axel Roucloux, en cette période de crise, cet impératif est activé de facto et c’est pour la structure une opportunité forte d’apprendre rapidement.  Comme le soulignait Christophe Bruyndonck dans le premier article de cette série, il y a une « forte résilience et une volonté forte d’avancer ».

L’interrogation que souligne alors notre interlocuteur est celle de l’inscription dans la durée: « Comment faire en sorte qu’il y ait un changement de culture par rapport aux apprentissages pour que la pratique du moment devienne un usage? ».

A défaut de ce changement de paradigme, certains apprentissages individuels  ne se répercuteront sans doute pas dans le collectif.  Avec le turnover que connaissent les institutions, les pratiques ne seront pas intégrées dans les usages professionnels et les dysfonctionnements individuels, organisationnels et institutionnels d’avant crise auront vite fait de refaire surface et de réimpacter négativement la structure.

Suivez le guide

Comme souvent dans ces processus à forte valeur ajoutée humaine, il n’y a pas de recette unique à la question ; mais la présence d’un ensemble de facteurs le favorise.

Le premier est une vision partagée et connue du projet institutionnel.  Acquérir de nouvelles compétences professionnelles résulte d’un besoin d’un·e travailleur·euse et d’une équipe à mieux mettre en œuvre son travail.  Il est alors question de créer un lien entre ce besoin et celui de la finalité sociale de la structure.  C’est ce lien qui permettra in fine de s’impliquer envers le bénéficiaire.  C’est pourquoi chaque opportunité de rappeler, d’échanger et de s’approprier cette finalité doit être saisie.  

Le second, ce sont des ambassadeur·rice·s.  Si une direction porteuse de la vision du projet institutionnel est essentielle, il est également important que ce portage ne soit pas le fait d’un homme ou d’une femme seul·e.  Les responsables d’équipe, les référent·e·s formation, les tuteur·rice·s sont autant de personnes-clés, de facilitateur·rice·s qui aideront le collectif à rentrer dans un nouveau mode de fonctionnement.  Il est important que chacun·e d’entre eux·elles soient sensibles à l’importance des compétences dans la réalisation de la mission.

Prenez le temps d’identifier les routes empruntées

Ces ambassadeurs deviendront alors des agents actifs du processus à mettre en place, celui de rendre visible les apprentissages. Ils entraineront le groupe dans un processus porteur permettant la pérennisation des acquis. 

Axel Roucloux parle de passage du tacite à l’explicite : en cette période de crise, des savoirs sont acquis de manière non consciente; il convient par la suite de les exprimer.  C’est pour ce faire que notre interlocuteur invite à créer des groupes de travail correspondant aux différentes équipes.  Il leur confie une question simple : « Qu’est-ce que nous avons mis en place de neuf dans notre travail et qu’avons-nous appris pour le faire ? ».  Le but est de rendre visible et lisible afin de modéliser, c’est-à-dire de rendre concret l’apprentissage.  

C’est à l’image de la préparation d’un·e tuteur·rice avant d’accueillir son·sa tutoré·e : il·elle revisite son travail, le matérialise dans la manière de le mettre en œuvre afin de pouvoir le transmettre à un autre.

Une fois cet exercice d’explicitation terminé, un cercle vertueux peut être créé au sein de l’institution.  Il permet de passer de l’individuel au collectif en utilisant ces modélisations et de partager des concepts qui deviennent alors des références communes que chacun pourra s’approprier.  Il y a donc quelque chose qui unit l’ensemble des travailleur·euse·s, qui s’inscrit dans l’identité de la structure pour nourrir la réalisation de sa finalité sociale.  Et ce que quelque chose est au service des travailleur·euse·s dans leur capacité d’actions.

Dans ce système, le leadership évolue aussi.  Il n’y a pas de déresponsabilisation mais une invitation à devenir facilitateur·rice dans l’acquisition et l’utilisation créative de compétences.  Cela mène à abandonner une partie du rôle de contrôle pour être acteur·rice de l’autonomie des travailleur·euse·s.  Cette autonomie devient alors une reconnaissance de la capacité d’action de chacun·e dans la mise en place de la part de la finalité de la structure qui lui est confiée.     

Mobilisez

Il y a donc un réel appel à faire corps pour relever les défis qu’implique la période actuelle. Mais aussi à préparer sa suite afin de transformer les compétences acquises au cours de cette crise en une force de transformation au service de la structure, d’une part, et du secteur, d’autre part, pour en faire ressortir toute l’utilité.

 

Notes & références

  1. Psychotraumatologue et coach en organisation, il accompagne au changement les personnes et les organisations. Il est aussi actif, entre autres, dans le développement personnel et le bilan de compétences, la gestion du stress post-traumatique et le burnout.

  2. Organisée par Rhyzome le 5 mars à la Marlagne et dont vous retrouverez certains textes et vidéos ici

  3. Professeur d’éthique à l’Unamur et conseiller éthique à Unessa